christian louis

Lumière des ombres Opus 2, l'installation de Montréjeau est une réécriture pour un nouvel espace

Je prépare ma prochaine installation vidéo qui se déroulera à Montréjeau (31) du 1er au 26 février 2010: Lumière des ombres Opus 2.

Mon travail occupera la nouvelle galerie d'art qui a été créée dans l'Hôtel de Lassus.

Je suis à quelques jours de la mise en place et comme toujours, le choix définitif des travaux à présenter fait débat en moi.

Vais-je mettre en place les mêmes travaux qu'à Saint-Gaudens en novembre et décembre 2009 ?

Un public nombreux les a vus. Le vernissage avait réuni tellement de monde qu'il me fallut organiser une deuxième rencontre, plus intime celle-là, moment privilégié de dialogue et d'échange autour des œuvres et du livre Lumière des ombres. Cette forte affluence du vernissage fut une heureuse surprise car elle regroupa essentiellement les personnes par moi invitées, et par mail. Les cartons d'invitations du Service Culturel, soit n'arrivèrent jamais, soit quelques jours après. J'en profite pour dire ici à ceux qui m'ont signalé cette anomalie qu'elle m'est incompréhensible. Pas plus que l'erreur de date publiée dans la presse, pas plus que l'absence d'articles alors que journalistes et photographes ont cliché et écrit. Il est comme cela des mystères et des surprises qui font le charme de ce type d'aventure. Et comme l'artiste ne maîtrise pas ces éléments, il le regarde comme symptôme d'un décalage, d'un écart. Au fond, il y avait beaucoup plus de monde dans ce vernissage que pour les matchs de football, les assemblées générales des colleurs de plumes de crocodile sur les cerfs volants agréés, qui saturent jusqu'à plus soif les colonnes de la presse locale. Et c'est une bonne chose que cette mise à l'écart. Voilà, on ne parlera pas de poésie et d'art, de quelque chose qu'il est difficile de traduire en mots. On n'en parlera pas car on imagine, le nez sur le drame vendeur, sur l'accident spectaculaire, sur la polémique espérée, que le reste n'intéresse personne. Erreur. Je n'ai jamais vu autant de personnes curieuses, interrogatives, sensibles, proposant des visions personnelles subtiles, profondes, rares.

Si un jour, notre société savait écouter ceux et celles qui ne crient pas, ceux qui proposent leur vision comme un éclairage particulier, non comme un discours à prendre, à imposer… Les Micham, Denise, Catherine, Roland, Olivier, Christine, Sylvain, Jacques, Martine,  venus de Toulouse, de Tarbes, d'ailleurs, d'ici aussi pour rencontrer un artiste et une œuvre, montrent qu'il existe un public ouvert, sensible, cultivé, en recherche de vrai, d'authentique, de profond.

Mon propos artistique ouvrait sur l'esthétisation de la catastrophe (vidéo sur le Feu), sur l'enfermement (Vidéo Sphère Noire), sur la question de l'agression sonore et la pollution (Les Chiens), sur notre réduction à une image, une étiquette (Portraits), sur la difficulté à vivre sa singularité dans le Foule, sur les difficultés à se comprendre, à échanger, sur la perte d'identité quand la maladie vous fait passer de sujet à objet (vidéo Autoportrait à la Griffe du Chat), sur la mémoire (vidéo Archéologie Imaginaire) , sur l'enfermement communautaire (vidéo Communautarisme). 

Ce qu'ont saisi ceux qui ont poursuivi le dialogue, lors de cette rencontre, ou par échange de mail, c'est certainement la dimension du "philosophe" qui existe dans l'artiste. Poser un regard critique sur le réel. Produire des objets qui ouvrent le débat, l'échange, en jouant à la fois sur la sensibilité et sur l'intelligence du regardeur.

Ainsi s'explique ce qui a surpris, à savoir que je refuse de vendre mes œuvres. Les idées forgées par les spectateurs en font partie. Puis-je commercialiser ce qui ne m'appartient pas. Je ne suis pas un fabriquant de produits vendables. Seuls mes livres, car ils participent d'une économie, sont des objets de commerce possible.

Je reviendrai sur ces questions.

Pour l'heure, il me faut choisir. Les mêmes œuvres, ou certaines non montrées à Saint-Gaudens. Quel choix ?

L'espace d'accueil va déterminer la version finale de cette installation. Comment la lumière joue-t-elle ? Puis-je obtenir une belle obscurité pour que les couleurs et les textures des vidéos soient bien visibles ? Comment va se distribuer le son, les bruits, les musiques ? Autant d'incertitudes qui seront levées ce vendredi.

Pour l'instant, des caisses, des bacs de plastique remplis de lecteurs DVD, câbles, prises électriques, écrans, objets divers sont rangés sagement. Ils ne sont que matériaux potentiels à organiser dans l'espace d'accueil. Ils sont muets mais prêt à affronter la lumière pour murmurer quelques pistes, quelques questions, quelques émotions… 

CL


L'espace occupé


L'installation est presque terminée. En entrant dans la galerie, un vidéo projecteur propose sur l'écran du mur blanc, plusieurs films montés les uns à la suite des autres. Puis vient l'accrochage, la suspension des petits cadres blancs montrant des portraits de bouchons. Les deux angles sont occupés par des moniteurs. Un premier est posé sur un support bas qui permet de disposer les figurines de chiens et le bouchon recouvert de verre. La bande son qui, déjà irrite les spectateurs qui viennent voir l'accrochage, leur rappelle les chiens de leurs voisins. Dans l'autre angle, un moniteur posé assez haut diffuse le film "Portraits". Difficile d'en parler sans le montrer. Je vais donc le diffuser sur le blog. Enfin, au sol, un moniteur montre "Sphère Noire" avec ses pots de verre recouvrant des bouchons marqués. 

Les réglages des sons et musiques sont délicats et l'équilibre n'est pas encore trouvé. La lumière fonctionne mieux, offrant un espace plus sombre pour l'écran et les moniteurs, proposant des ombres cohérentes sur les fils et les cadres renforçant l'impression de nombre.

Demain, je vais prendre quelques clichés pour le intégrer à ce texte. 


Entretien sur l'installation

 Pour répondre aux questions les plus fréquentes...


Q : Votre exposition s'appelle « Lumière des ombres ». Pourquoi ?

Christian Louis : Plus qu'une exposition, il s'agit d'une installation. J'adapte mes œuvres au lieu d'accueil, à l'espace, à la lumière, à la couleur des murs, à la nature du sol. Ceux qui ont vu en novembre la version proposée à Saint-Gaudens saisiront les points communs et les différences. Le titre « Lumière des ombres » marque la volonté d'éclairer les coulisses de mon travail, de mes interrogations artistiques et philosophiques.


vue de  l'installation Sphère Noire


Q : Quelles sont-elles ?

CL : Depuis le tout début de mon aventure artistique, j'observe le monde, les hommes, les choses et j'essaie d'en comprendre les mécanismes. Aujourd'hui, mes interrogations portent sur de nombreuses questions. Je m'intéresse à la massification, ou comment une personne, avec ses qualités, disparaît peu à peu dans une image, un look, une apparence. Et comment la société regroupe artificiellement ces images en groupes, en communautés. Mon œuvre Sphère Noire montre des bouchons marqués de signes de silhouettes humaines, métaphore des hommes. Et chacun est recouvert d'un pot de verre. Il est enfermé et il étouffe, comme le rend la bande son. Par transparence, il peut voir les autres et ils peuvent le voir aussi. La communication ne se fait plus qu'à travers un écran de verre, et elle reste image. Des images regardent d'autres images. Bien piètre communication. Au fond, je parle de l'isolement réel dans des échanges illusoires.


vue du film de l'installation Sphère Noire




Q : Toutes les œuvres présentées ne parlent pas uniquement de ce sujet ?

CL : Non, bien sûr. À l'angle de la galerie, le moniteur sur un socle noir diffuse une vidéo en boucle qui traite de la question du portrait. Ce n'est pas un buste figé, mais un écran de verre qui montre le défilement de très nombreux bouchons marqués eux aussi de silhouettes. Au début, le rythme est tellement rapide que l'on ne peut identifier les divers individus, comme lorsqu'on est happé par la foule du métro, de la rue, de la grande ville. Mais, je m'impose un ralentissement progressif, pour mieux voir, mieux appréhender, mieux comprendre. Le film se calme, la musique aussi, pour finir sur un portrait. Je dis dans cette œuvre toute l'importance de maîtriser le temps si l'on veut espérer saisir la vérité des choses.


vue de la vidéo Portrait


Q : On trouve souvent des bouchons de liège dans vos œuvres.

CL : Ce petit objet de rien m'intéresse en tant qu'il devient métaphore de l'homme tel que je le vois aujourd'hui dans sa réduction. Opaque, on ne peut savoir ce qui se cache en lui. Fragile et léger, il peut être emporté par la moindre vague. Issu de l'écorce d'un arbre, il est vivant et périssable. Il était adapté au tronc et aux branches, se développait, se transformait, mais une machine automatique et un projet humain l'a réduit à une forme géométrique simple, un cylindre qui s'adapte à l'objet qu'il doit boucher. On lui a attribué une fonction, une place et on l'a formaté. Allons-nous laisser l'évolution du monde et des sociétés industrielles nous transformer en outil, en objet fonctionnel ? Géométrie et fonctionnalisme nous adaptent.

Dans mes dernières installations, on trouve donc de vrais bouchons, marqués de signes, de hachures, mais aussi des photographies de bouchons, des films les représentant en mouvement, des reconstitutions en 3D, en images virtuelles. Cet objet représentant pour moi l'homme projeté dans l'esprit de réduction fonctionnaliste, se voit donc présenté en réel et en image. Quel est le plus présent? Ce petit bout de rien acquiert une forte présence par la taille de l'écran de projection. L'image produit un mensonge, une fiction. Elle se doit donc d'être regardée avec recul et esprit critique. Ce que je vois existe-t-il ?


vue de la vidéo Inclusion/Exclusion


Q : Et ces chiens qui aboiement dans la galerie ?

CL : M'arrêtant, posant un regard plus approfondi, j'observe et peux analyser les comportements. J'ai créé une œuvre, non présentée ici, qui montre le vécu d'un trajet en train. Avec les chiens, je m'interroge sur le sens que peut avoir pour quelqu'un de faire une accumulation de chiens, de les installer près d'habitations de gens cherchant le calme, de les laisser aboyer jours et nuits, et de refuser d'entendre les souffrances provoquées. 


vue de la vidéo de l'installation Chiens et Chats



Mon œuvre montre cet enfermement de certains êtres dans des logiques pathologiques incompréhensibles au premier abord. Dans ce travail, que je décris dans mon livre qui a le même titre que l'installation « Lumière des ombres », je cite les travaux du philosophe Michel Serre qui analyse les phénomènes de pollutions et en cherche les raisons. 


vue de l'installation Chiens et Chats

(Moniteur, Dvd et lecteur, 14 figurines de chiens, 

encre sur bouchon de liège, pot de verre, sable, carton)

 


Q : Autopsie à la Griffe du Chat est une vidéo assez impressionnante ? 

CL : J'ai travaillé l'autoportrait, pas à partir de photos de mon visage mais de vues intérieures de mon corps obtenues par radio et scanner. Et par ce renversement de point de vue, j'accède à l'universel. De l'intérieur, on voit bien que tous les hommes se ressemblent et proviennent de la même espèce. Le racisme est donc un non-sens absolu. Allons voir au-delà de l'épiderme des êtres et de choses. Regardons les intérieurs, ils sont porteurs de vérités. Les masques ne sont que des leurres.





Q : Pourquoi nous montrer longuement un feu qui se transforme, change de couleur, devient presque une peinture abstraite.

CL : Regardez les audiences télé des moments de drames, de catastrophes. Le public est captivé par l'image de la destruction et de la mort. Il est capté par l'écran, par la photo qui en donnent le spectacle. Nous regardons, fascinés par ces belles vues du ciel d'une planète que nous sommes en train de rendre invivable pour les hommes. Nous contemplons notre propre destruction. Cette œuvre parle de ce phénomène étrange qui endort notre instinct de survie, et rend possible, crédible, la lente poursuite de notre disparition, et cela avec de bien belles images.


vue de la vidéo Feux



Q : Vous parlez souvent de philosophie, de psychologie. L'artiste est-il un intellectuel ?

CL : Pas seulement. C'est tout de même Léonard de Vinci qui disait que la peinture était une chose mentale. L'artiste n'est pas un artisan qui fabrique de belles images pour décorer nos intérieurs. L'artiste est un homme ou une femme de son temps, qui pense avec sa culture mais aussi ses sens. Avec ces stimulations, ces pensées, ces choix matériels, ses couleurs, ses matériaux, il organise des dispositifs, peintures, sculptures, photographies, vidéos, performances, qui lui permettent de placer sa réflexion dans la sphère publique, dans la cité. Et pour cela, il invite chez le spectateur une participation du corps et de l'esprit, de ses sens, de son émotion, et de sa capacité à s'interroger. Et ce faisant, son art pose des questions, invite à regarder le monde d'une autre manière, plus critique certainement. 


vue de la vidéo Génération


Q : Votre installation n'est-elle donc pas trop compliquée à saisir ?

CL : Les discussions que j'ai depuis de nombreuses années sur mon travail, montrent l'inverse. A Saint-Gaudens, par exemple, de riches échanges ont prouvé ce que je savais déjà, à savoir la finesse d'analyse d'un public qui ne se satisfait plus de se voir diffusé de jolies petites images muettes. Le grand public est curieux, pertinent, ouvert à l'actualité. Il suffit de proposer des situations plus riches.a Songez qu'une des revues qui a le plus progressé ces dernières années est « Philosophie Magazine ». C'est un signe. Voilà l'une des raisons de la publication de Lumière des ombres, et la mise en route d'un blog : poursuivre cette réflexion, cet échange direct entre l'artiste et le public.



Janvier 2010



Vernissage


Malgré les flocons, le public était là, curieux et attentif. Après un discours du Président de la Communauté des Communes, j'ai été invité à dire quelques mots.



Il n'est jamais facile de parler de son travail, d'en livrer les significations, sans compromettre l'indispensable appropriation personnelle de chaque regardeur. Pas aisé non plus d'adapter un propos sans le simplifier au point de faire disparaître des complexités.

J'ai donc conduit le public d'une œuvre à l'autre, en donnant quelques pistes, en suggérant des questions.

L'installation sur les Chiens a amusé. 



Les aboiements, eux, ont agacé par leur envahissement de l'espace sonore. J'ai pu indiquer qu'il s'agissait d'un enregistrement effectué entre 2H et 3H du matin. Le détail a précisé le propos de ce travail, et son lien avec une ouvrage de Michel Serre sur la pollution.

Après mon intervention, plusieurs discussions passionnantes ont permis d'amplifier les lumières sur les ombres et les coulisses de ces œuvres. Pendant le cocktail préparé par Cécile et Céline, j'ai dédicacé mon dernier livre "Lumière des ombre".

Le photographe de la presse locale m'a offert une suite de clichés que je publie sur mon site. 


http://web.me.com/christianlouis1/Site_de_christian_louis/vernissage_montréjeau.html




Article de presse

La Dépêche du Midi vient de publier un article sur le vernissage--> voir l'article

Elle avait déjà publiée quelques lignes pour l'installation de Saint-Gaudens:

http://www.ladepeche.fr/article/2009/12/09/732872-Christian-Louis-et-l-uvre-video.html




27/01/2010
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